Gabriel

« (..) une espèce de ver blanc, un morceau de chair ridée, un débris, une saleté sur ce lit voilà ce que j'étais, coincé entre ces quatre murs, accusé de folie, moi qui enfin commençais à voir clair dans les choses, et ce fut ma dernière pensée un peu lucide, après quoi un immense linceul est venu m'envelopper et effacer toutes mes profondeurs. »

Gabriel est à un an de la retraite lorsqu'il se rend compte que sa vie ne le satisfait pas. Alors, il s'échappe de chez lui et s'installe dans une ville voisine, où il s'adonne enfin à sa passion, le chant, qu'il pratique dans un cabaret pour travestis. Mais un soir, un ancien collègue de travail le dénonce à sa famille, qui décide de l'envoyer à l'asile.

Traitant des tournants imprévisibles que peut prendre la vie, ce roman revêt imperceptiblement l'aspect d'une invitation, d'un étrange voyage à la lisière de la clairvoyance et de la douce folie.

Editeur : Nil Editions (18/02/99)
Broché: 177 pages
ISBN-10: 2841111148
ISBN-13: 978-2841111145

Editeur : J'ai lu (31/12/01)
Poche: 157 pages
Collection : Littérature Générale
ISBN-10: 2290316008
ISBN-13: 978-2290316009

Editeur : J'ai lu (8/12/09)
Collection : Littérature Générale
ISBN-10: 2290022411
ISBN-13: 978-2290022412


REVUE DE PRESSE

Le figaro littéraire

Valérie Tong Cuong avait obtenu il y a deux ans un franc succès avec Big, son premier roman. Son deuxième livre confirme son talent d’écriture et y ajoute une imagination débridée. A la veille de son départ en retraite, Gabriel, cadre supérieur, veut rompre avec son ancienne vie. Il quitte sa femme et ses deux enfants, sympathise avec un handicapé, semble magnétisé par une de ses voisines au passé trouble et se produit, déguisé en femme, dans un cabaret où il chante l’Ave Maria de sa voix de stentor. Reconnu par un ancien collègue, il est immédiatement interné par sa famille. Drogué, assommé par les médicaments et les piqûres, il sombre dans une douce léthargie dont il sera tiré par son voisin de lit, qui le pousse à retrouver une vie plus conforme en lui enseignant une philosophie new age. Faite de privations et de rejet de sa vie passée, elle le transcende et le convainc qu’il est un être d’exception. Les médecins le croient guéri, et le rendent à sa famille… Et c’est là que le drame éclate…. Certaines scènes rappellent celles de Vol au-dessus d’un nid de coucou et forcent le lecteur à s’interroger sur l’efficacité des thérapies psychiatriques...

Le monde des livres

Cadre supérieur proche de la retraire, brave époux et père honorable, Gabriel part en promenade et ne rentre pas. Fugue fort musicale puisqu’il gagnera sa vie en chantant l’Ave Maria de Schubert, travesti en opulente cantatrice équivoque. Rattrapé par sa famille et par la normalité, il est enfermé dans un asile, fou amoureux de Mad, une tendre personne. La rupture, ce désir qui nous hante de lâcher les amarres, de se créer une deuxième vie qui annule la première, mort au passé, né au présent, est au cœur de ce rêve d’évasion, invraisemblable mais captivante.

Elle

De quel côté se situe la folie ? Du côté de Gabriel, qui, à la veille de la retraite, décide du jour au lendemain de quitter femme et enfants pour devenir travesti dans un cabaret ? Ou du côté de sa famille qui ne s’est jamais posé aucune question et qui a toujours accepté, sans ciller, la banalité du quotidien et les vertus hypocrites de la société ? Après Big, qui a connu un franc succès, Valérie Tong Cuong confirme son talent avec un excellent second roman.

Le Magazine Littéraire

Gabriel est à la veille de la retraite, exactement un an. C’est presque rien, un an, quand on a déjà fait un si long chemin. Mais voilà qu’il se met à penser, qu’il ne dort plus, se tait, se couche « immobile, les yeux fermés, le corps tourné fermement vers le mur », sans même « contempler le spectacle du bonheur tranquille de sa femme ». Avec Anne depuis 34 ans, il ne sait plus pourquoi il s’est marié, pourquoi il freine son désir de chanter l’Ave Maria de Schubert, pourquoi les dimanches sont rongés par l’ennui. Maintenant, il est en lutte avec sa femme, sûre de ce qui est bien et mal, en lutte avec son fils, insupportable de morgue, « ce petit con qui me considère de haut et y prend tant de plaisir », en lutte avec les tondeuses dominicales alentour. C’est aussi trente ans de bureau, aux côtés d’un collègue pour qui le travail reste l’essentiel. Après tout, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Triste ludion en péril, animé par un besoin irrépressible de se chercher, de donner un sens à sa vie, au détour d’un mot, d’une réplique, d’un bruit de trop, Gabriel décide de «passer à autre chose» et de basculer. C’est le moment ou jamais. Cette quête en forme de fuite le mène d’un paralytique au cabaret, des bras d’une jeune femme au travestissement sur scène. De la normalité à la marginalité. Peu importe. Quand Gabriel se met enfin à chanter l’Ave Maria, sa gorge s’arrachant de bonheur, il vole, évanoui, « et les notes s’égrenaient, s’enfuyaient, emportant avec elles plus de soixante années de mensonge ». Mais pour Gabriel, encore faut-il être à la hauteur de son désir, pouvoir bazarder sa vie…
Valérie Tong Cuong relève les petits détails, les manies ridicules, les habitudes qui finissent par lasser. Des petites manies qui ne sont pas sans lendemain.
Construit comme un thriller psychologique, bousculant les paradoxes, haletant et inquiétant, Gabriel est le livre de toutes les ruptures, avec les siens, avec soi-même, avec son propre passé, jusqu’à la rupture avec son avenir. Quand rompre signifie faillir, défaillir.

Jean-Claude Renart