L'adolescence est un combat
Ils sont trois - Ange, César et Safia - soudain confrontés à ce qui sera sans doute la chance de leur vie : leur lycée arrive en finale du concours musical interlycées. Leur groupe de hip-hop, DTG, est pressenti pour représenter leur établissement lors de l'épreuve fatidique. Déjà ils se voient enregistrer leur disque et conquérir le monde à coups de rythmes musclés et de paroles punchy. Dès les premières lignes, la Battle fait rage autour de cet univers si singulier qu'est l'adolescence, version 2011. Par la voix de son narrateur, Ange, alias la Boule, c'est cette adolescence très contemporaine qui nous est montrée à grand renfort d'effets stylistiques propres à cette période sensible de la vie. Résultat, une plongée radicale dans la sémantique de ceux que l'on désigne invariablement par "les jeunes de banlieue"ou, pire, "des quartiers". Car, au fond, la Battle nous parle d'un temps que les plus de vingt ans ne peuvent pas connaître... Un éternel débat de société. Nos trois protagonistes sont en piste pour défendre le nom de Paul-Cézanne. Pas le peintre, leur lycée. Un flot d'interrogations déferle alors dans leurs têtes juvéniles : comment aborder l'épreuve, le choix du dispositif technique, etc. L'excitation aussi de voir s'ouvrir une possible fenêtre sur l'avenir dont ils rêvent. En face, un groupe de rock qui a le cuir épais. Le combat s'annonce rude. D'autant plus qu'à cet âge-là, tout est prétexte à défi : l'orientation professionnelle, la réussite, les filles, l'amour, l'amitié, l'affirmation de soi. Le challenge de la vie commence pour Ange, César et Safia comme pour tous ceux qui les accompagnent dans l'aventure, de près ou de loin. Mais au moment où le Graal est à portée de main, un obstacle survient. Une tumeur menace l'intégrité de l'une des oreilles d'Ange. Unique solution, l'opération, dont seuls les hôpitaux outre-Atlantique sont capables. Tout s'effondre pour le groupe DTG. Impossible de relever le défi du concours. Les espoirs de célébrité, en l'espace d'une seconde, sont anéantis... Valérie Tong Cuong, comme à son habitude, a le don de surprendre. Une fois de plus, elle n'est pas là où on l'attend. Avec la Battle, elle s'approprie non seulement le langage, mais la sensibilité de l'adolescent d'aujourd'hui, avec ses tics, ses coups de sang, sa phraséologie caractéristiques. Totalement immergée dans ce monde mouvant et débordant d'énergie, elle délivre le récit survitaminé d'une tranche de vie extrêmement représentative de notre temps, dressant les portraits de personnages ultraréalistes dans un décor non moins naturaliste. C'est là l'une des forces majeures de la Battle et l'on croit déceler quelque chose de la Vie devant soi, d'Emile Ajar-Romain Gary dans une version résolument actuelle. Incisif et puissant comme un slam (à l'origine, un "battle" est un tournoi organisé entre rappeurs ou slameurs), ce court roman est également une ode à l'évolution permanente de la langue et montre que rien ne peut l'arrêter. Il invite à entrer dans l'intimité d'un âge où l'adulte a rarement droit de cité. Roman de cette intimité adolescente, il est fatalement celui d'une mère, mais il vaut surtout pour la myriade de symboles qu'il distille, cap du passage à l'âge adulte en tête où le sens de la responsabilité et des priorités éclôt comme au premier printemps... Comme l'issue romanesque de cet ouragan verbal le montrera. Le petit d'homme fourbit ses armes en se confrontant à la vie. Toujours seul ? Pas si sûr.

Matthieu Lévy-Hardy

Pour les adultes encore ados : la Battle de Valérie Tong Cuong.
La "battle", c'est un concours interlycées de hip-hop. La Boule et son copain César projettent de gagner ce challenge pour financer la réalisation d'un disque. Lorsque la Boule apprend qu'il est atteint d'une maladie rare, un formidable mouvement de générosité se met en place : s'ils gagnent la "battle", le jeune malade pourra recevoir les soins que ses parents ne peuvent lui offrir. On retrouve dans ce livre un style à la Daniel Picouly, entre argot joyeux et rebondissements malins. Tout cela servi avec sensibilité.

LA BATTLE de Valérie Tong Cuong
La Battle, c'est le défi de César, Saf et Ange, dit La Boule, le narrateur. Avec Dans ta gueule, leur groupe de hip-hop, ils se jurent de remporter l'épreuve musicale du concours interlycées. Problème : Ange a une tumeur dans l'oreille. Une tragicomédie sur les adolescents qui déchire. Valérie Tong Cuong parle comme eux, les "kiffe" pour de vrai. Tout est en live, rythm and blues garantis.

E. de B.